Interview d’Éric Ciotti dans l’Opinion

Si vous devenez président de LR, quel sera le premier adversaire de votre parti ? Toujours Emmanuel Macron, comme les cinq ans écoulés ?

Par nature oui puisque c’est, aujourd’hui, Emmanuel Macron qui se trouve à la tête de l’État. C’est, à lui, que nous devons la dégradation avancée de la situation de notre pays. Son bilan, déplorable en matière régalienne comme économique et sociale a accéléré le déclin français. L’absence de courage et d’anticipation est la marque de fabrique du macronisme. Le meilleur symbole en est la désagrégation de notre indépendance énergétique en raison des attaques répétées contre le nucléaire. Face à ce pouvoir qui arrive à son terme, Les Républicains doivent incarner une alternance responsable, sérieuse, crédible. Nous ne pouvons laisser les Français avoir à effectuer un choix inquiétant entre Jean-Luc Mélenchon et Marine Le Pen. 

A quel électorat doivent s’adresser aujourd’hui en priorité Les Républicains ?

À tous ceux qui ont voté Nicolas Sarkozy au premier tour de 2007 et qui nous ont quittés. Certains sont partis vers Emmanuel Macron d’autres vers Marine Le Pen. Nous devons avoir pour cela un projet extrêmement puissant et ambitieux reposant sur deux piliers majeurs : la liberté économique et la protection des Français. En étant le parti de la baisse des impôts et du travail, nous renouerons avec une cohérence économique qui montrera aux électeurs abusés par Emmanuel Macron que c’est de notre côté que se situe la vraie réforme. Parallèlement, nous devons apporter des réponses fermes et courageuses face au communautarisme islamiste, à l’augmentation de la violence partout en France, et au chaos migratoire qui ont nourri la progression du RN.  

Garantissez-vous qu’avec vous à leur tête, LR ne participera jamais à un projet d’union des droites ? 

Je suis de droite, je l’assume, je le revendique et je ne m’en excuserai pas. 

Ce que je souhaite c’est rassembler tous les électeurs de droite le plus largement possible, tous ceux qui ont à un moment voté pour nous. Je ne crois pas aux alliances d’appareil. Mon seul objectif sera de refaire de la droite républicaine, l’axe majeur et le pivot de la vie politique française. Aujourd’hui cette union ne conduirait qu’à notre disparation. Je ne serai pas celui qui sera le fossoyeur d’une famille qui a donné à la France cinq présidents de la République et écrit les plus belles pages de notre Histoire ces 70 dernières années. 

Que répondez-vous à ceux qui anticipent une vague de départs du parti si vous en prenez la tête ?

Je réponds clarté et fidélité contre confusion et opportunisme. Si je l’emporte, je veillerai à rassembler d’abord mes concurrents et tous ceux qui souhaitent que nous redevenions ce que nous n’aurions jamais dû cesser d’être : la première formation politique française. Quand on est fort, il n’y a pas de départ. Nos crises sont venues de nos faiblesses et de nos incertitudes. Une ligne claire, la désignation d’un candidat à la présidentielle, une organisation renouvelée : tout cela, j’en suis convaincu nous redonnera cette force. 

Vous voulez faire de LR le parti de la baisse des impôts. Ce qui est arrivé à Liz Truss ne devrait-il pas vous inciter à être plus prudent sur vos promesses au vu de la situation des finances publiques françaises ?

Les prélèvements obligatoires vont battre un nouveau record, à plus de 45%, en 2022. Parallèlement, nos dépenses publiques n’ont cessé d’être gonflées par un modèle social de plus en plus coûteux, qui échoue pourtant à enrayer la dégradation de nos services publics et protéger comme il se doit les dix millions de Français qui vivent en deçà du seuil de pauvreté. Il faut donc tout changer et oser la liberté économique. Cela passe par un choc fiscal puissant et immédiat, qui ramènerait sur un quinquennat les prélèvements obligatoires à moins de 40% du PIB. Cela équivaudrait à une baisse des impôts et des charges de l’ordre de 125 milliards d’euros. Dans ce cadre, je continue à défendre la fin des impôts de succession et des droits de donation, à l’exception des patrimoines les plus élevés. Je souhaite limiter la brutalité de la progressivité de l’impôt sur le revenu, devenu un impôt stupide et inefficace, et diminuer les cotisations salariales et patronales. En faisant cela, nous répondrons à la perte de pouvoir d’achat de nombreux Français, en rapprochant le salaire net du salaire brut, tout en redressant la compétitivité de notre économie. Cette baisse des prélèvements obligatoires devra s’accompagner d’une baisse importante des dépenses publiques. Demain, il faudra dépenser moins tout en dépensant mieux. Notre enjeu sera de réduire une bureaucratie de plus en plus paralysante.

Etes-vous toujours favorable à un report de l’âge légal de départ à la retraite à 64 ou 65 ans ? Un de vos concurrents, Aurélien Pradié, remet en cause ce dogme à droite…

En politique, il faut toujours avoir le courage de la constance et de la vérité. Pour ma part, j’ai la cohérence de continuer à défendre la nécessité de travailler plus sur toute une vie, c’est-à-dire progressivement de deux ou trois ans, afin de sauver notre système de retraite par répartition. Compte tenu du vieillissement de la population, si nous ne repoussons pas la date effective de départ en retraite, nous aboutirons à une diminution très forte des pensions et à une augmentation importante des cotisations, ce qui reviendrait à baisser les salaires. Il faut donc reculer l’âge effectif de départ en retraite. Faut-il pour cela un report de l’âge légal ou un allongement de la durée de cotisation ? Pour ma part, je pense qu’une combinaison des deux est nécessaire pour permettre à ceux qui ont commencé à travailler tôt de ne pas être pénalisés par un décalage de l’âge légal et à ceux qui ont fait de longues études de ne pas être pénalisés par une augmentation des annuités. Ce qui est sûr c’est que l’âge de départ effectif doit être à moyen terme de 65 ans. Avec ce système mixte, chaque Français pourra choisir l’option qui lui est la plus favorable tout en sauvant le système par répartition. La réforme devra intégrer la fin des régimes spéciaux, nuancée par la prise en compte de la pénibilité de certains métiers. Je pense aussi que nous devons favoriser une dose de capitalisation pour les retraites.

Président du groupe LR à l’Assemblée nationale, Olivier Marleix assure que les députés LR ne voteront jamais une motion de censure déposée par la Nupes ou le RN. Vous êtes d’accord avec lui ? 

Bien sûr. Si nous avons à censurer le gouvernement sur un sujet qui le justifierait, nous aurons le loisir de le faire nous-mêmes, sans en référer à personne. Cela marque notre force et notre indépendance.

Faut-il revoir la ligne du groupe LR à l’Assemblée ? Dans le Jdd, Nicolas Sarkozy plaide pour un accord de gouvernement avec l’exécutif… 

Je suis bien sûr totalement opposé à un accord avec le gouvernement. Sur la forme, j’ai été élu contre le macronisme dans ma ville de Nice. La fidélité a toujours été pour moi une valeur cardinale en politique. Sur le fond, on ne s’allie pas avec un pouvoir qui aura autant abîmé la France. Par ailleurs, nous avons démontré depuis le début de cette législature confuse et incertaine que nous avions la clé du résultat des votes. Notre seule boussole en la matière est l’intérêt général. Nous avons soutenu les textes qui, tout en étant insuffisants dans leurs ambitions, n’allaient pas dans la mauvaise direction. De la même manière, cela a justifié que nous nous opposions à un budget calamiteux augmentant la dette et les déficits. C’est ce cap que nous maintiendrons à l’Assemblée nationale avec Olivier Marleix. Mais je le dis clairement : il appartient aussi à notre parti et à celui qui en sera le représentant à la présidentielle de définir notre vision et nos propositions pour la France. À l’Assemblée, nous ne pouvons que limiter les dégâts commis par le gouvernement actuel. Ce que nous devons faire au parti, c’est dessiner la France de demain qui doit être radicalement différente.

Bruno Retailleau et Aurélien Pradié jugent déraisonnables votre choix de désigner « début 2023 » le candidat LR pour la présidentielle de 2027, car celui-ci sera surexposé. Entendez-vous ces remarques ?

Avec Bruno Retailleau et Aurélien Pradié, nous avons un socle de valeurs communes et beaucoup de points de convergence, même si l’approche économique du second est un peu éloignée de la mienne. Encore heureux, oserai-je dire, car nous sommes dans la même famille politique ! En revanche, avec Bruno Retailleau, nous avons une vraie différence sur l’analyse de nos échecs et la méthode de désignation de notre candidat à la présidentielle. Pour ma part, je fais le constat que si nous avons obtenu moins de 5% en avril, c’est parce que depuis 2012 et la défaite de Nicolas Sarkozy nous n’avons pas réussi à installer un leader incontesté et incontestable, incarnant la droite et ses valeurs. Pour tenter de pallier cette carence, nous avons recouru par deux fois à des primaires organisées très tardivement. Je crois profondément qu’on ne peut plus réitérer la même erreur. Il faut que les militants sachent que, s’il l’emporte, Bruno Retailleau maintiendra le système de primaire et vraisemblablement en 2026 car il espère être candidat lui-même . Pour moi, c’est inconcevable. Je propose une autre méthode à nos militants : la convocation lors du premier trimestre 2023 d’un congrès réformant nos statuts pour supprimer la primaire et confier au président du parti et au bureau politique la proposition du nom de notre candidat à l’Elysée, qui sera ratifié par les militants. Mais je souhaite mettre toutes les cartes sur la table et dire clairement les choses. Pour moi, celui qui doit incarner la droite et porter cette espérance d’alternance, c’est Laurent Wauquiez.

Cela signifie donc que celui-ci ne sera pas forcément désigné en 2023…

Laurent Wauquiez aura son calendrier. Mais avec mon élection, il n’y aura pas d’ambiguïté. On ne se torturera pas le cerveau avec la recherche de procédure ou d’hypothétiques candidats providentiels qui n’arrivent jamais.

Un mot pour qualifier Marine Le Pen ?

Pessimiste. 

Eric Zemmour ?

Déconnecté. 

Edouard Philippe ?

Illusionniste. 

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